— 05. 05. 2024
— 05. 05. 2024

Les mots du bord 05/05

REGIS VIAN – Ecole Jules Verne

Journée sous tension hier à bord d’Ecole Jules Verne, et sans motif apparent. Pas d’autre pression que celle que je m’impose en cette fin de course. L’envie de finir est là, la possibilité de bien finir aussi. Alors cette petite tension monte, comme pour rappeler que la fin de course, c’est le passage de la ligne, pas avant ! Nous, les manceaux, nous savons ce qu’est le sport mécanique, et l’endurance. Nous savons que si tout peut se jouer à un détail près, c’est que chaque détail compte. alors j’accorde de l’attention à chacun d’entre eux. J’ai banni le « ce n’est pas grave, c’est bientôt la fin ». Je dois tenir avec rigueur toutes mes routines du bord. Je m’en suis rendu compte malgré moi hier, j’ai passé la matinée dans une espèce de torpeur dont les effets se sont font sentir immédiatement sur la vitesse du bateau. Et je n’ai pas réagi tout de suite… La fatigue, un peu de lassitude, l’envie de devancer l’appel de la ligne d’arrivée; probablement un cocktail d’un peu tout ça. La position des concurrents envoyée toute les 4 heures par la direction de course me réveille. Mes concurrents directs (Solenn, Festa pour ASTER et Mon Bonheur à moi) vont plus vite et dans une meilleure direction. Un bon coup de fouet ! Alors je reprends mes routines, dont la fondamentale du coureur au large : route, réglage, rangement (dans cet ordre et pas un autre). Aller au bon endroit, trouver le bon cap (Route). Y aller vite, trouver l’équilibre des voiles, ne pas se battre contre le bateau, la vitesse est avant tout de la fluidité (réglages). Enfin, tenir le bord en ordre de marche, prêt à toute éventualité (un affalage en catastrophe par exemple), avec la prochaine manoeuvre déjà anticipée (rangement). Et ça marche ! Je retrouve mes sensations, la vitesse revient, ainsi que le sourire. « La routine est mon amie » me disait un spécialiste de la performance. Ce n’est pas faux. J’ai tout de même conscience que je vis-là une routine assez peu ordinaire.

BRICE TAILLIANDIER & JACQUES AMEDEO – Solidarité Paysans

Manifestation de paysans sur la route des Antilles…
Des milliers de bottes de paille flottent sur les eaux, ce sont des sargasses, derniers vestiges des mouvements de contestation paysanne. Les organisateurs ont été visiblement dépassés et n’ont pas eu le temps de déblayer le terrain. Quant aux agriculteurs, ils sont partis traire leurs vaches en nous laissant nous dépêtrer avec des amoncellements végétaux qui s’accrochent à nos safrans et nos dérives. Canicule + Sargasses+ pétole, ainsi va le trio gagnant de cette dernière journée. On est heureux mais il y a des limites à la sérénité. Ce soir ça va, l’échéance de notre arrivée recule mais on fera avec.

Salut à tous les terriens.

Jacques et Brice

JEROME APOLDA & STEPHANE AYRAULT – Echo-mer

Bonjour à tous,

Notre compagne de route va nous quitter après quelques semaines…
Oui, la lune a éclairé ces 3 semaines de mer, facilité la réalisation des manœuvres, et aussi donné confiance lorsqu’il faut se déplacer sur le pont la nuit. Avec la lune les réglages de voiles deviennent possibles sans girouette-anémomètre ! Seule période critique, les 2 à 3 heures de nuit noire avant que la lune n’apparaisse à l’horizon…

Juste devant nous, la Martinique commence à se ressentir  et autour de Fastlane_Echo-Mer la nature s’anime : accompagnés plusieurs fois dans la journée par des dauphins, de petite taille ce matin et de très grande taille cet après-midi. Et nous voyons les oiseaux venir à nous, ainsi une sterne blanche et enfin un couple de frégates. Tout cela sent bon la terre qui se rapproche !!!

Alors pour distraire ces compagnons et pour suivre nos objectifs, réglages et barre toute la journée avec la satisfaction de distancer un peu l’Ehpad-Sainte-Bernadette, de nous rapprocher de Vaiana-Des Pieds et des Mains, de Loubri-Table Ronde et de gagner une place en temps compensé 😉

A très vite, nous espérons une arrivée le 6 ?

Jérôme et Stéphane

ERIC BASTARD & ALEXANDRE CASTELNAU – L’ARCHE La belle porte

Bienvenue au pays chaud !

Par 14•4 N x 56•16 W
Dimanche 05 mai

Ça y est, nous clôturons notre 3ème semaine de mer.
Le temps est passé lentement et pourtant il nous semble que le départ trinitain était hier.

Nous continuons à vivre à l’heure TU, le soleil se couchant vers 22h et se levant désormais proche des 9h.

Cela fait plusieurs jours que nous avançons bâbord amure, avec le spi max en tête.
Le vent des alizés est plus coriace que nous ne l’imaginons : il est assez instable tant en direction qu’en force. Matinée soutenue vers 18 nds, molle et refus en début d’après midi, puis renfort et droite en fin de journée, et la nuit à zigzaguer entre les grains.

La densité de sargasse (algues) s’est renforcée, il nous faut faire un point safrans avec la canne à algues toutes les 30 min.
Idem vérification régulière de la quille et si nécessaire usage de la corde à noeuds.

Côté trajectoire et réglages, c’est un grand tout droit sans option stratégique. Un peu longuet. L’idée est de bien définir l’angle auquel on veut descendre au vent. Ni trop abattu car on serait trop lent, ni trop loffé car nous ferions trop de route. A ce jeu nous avons légèrement distancé les concurrents directs Oxygène, Vaincre la Mucoviscidose, Parrains Marins et Sleeping lab. Pourvu que ça dure.

La prochaine étape est une petite cuillère (comme c’est désormais interdit au rugby, on en abuse en navigation), avec 1 ou 3 empannages pour rallier Fort de France. Le point d’empannage change régulièrement, désormais il y a moins besoin de longer les côtes des Barbades.

Nos amis Geoffroy et Amaury sur Le Figaro 2 de Terre d’Enfant ont remporté les line honours duo la nuit dernière. L’accomplissement d’une saison géniale et méritée. Bravo à eux.
Côté Solos, le leadership est toujours chez notre ami Régis sur École Jules Verne. Bluffant de constance et de justesse dans sa course.  L’arrivée pour nous est toujours prévue 24h après, soit mardi dans la journée.

En ce qui concerne l’avitaillement, entre les salades, sardines, maquereaux et viandes séchées du midi, et les apertisés plus ou moins fins du soir, nous sommes plutôt tombés justes en quantité et qualité.
Nous avons quasi terminé les desserts prévus. Notamment les lactés fournis par Elle & Vire. Plus de yaourts depuis vendredi mais encore quelques crèmes desserts. Yummy ! En cas de crise il y a quoi qu’il arrive des PomPotes.
Côté flotte nous prenons désormais bien nos 3L par jour mais avions vu trop large pour les premières semaines. Nous allons pouvoir nous doucher à l’eau douce pour alléger le bateau. Éric a déjà commencé, il s’est rasé de près, vous avez raté le loup de mer d’hier !

Ça y est toutes nos familles sont arrivées en Martinique. « Ah oui il fait chaud ! ». Moins de 2 jours où 350 miles nautiques à parcourir avant la bière fraîche de l’arrivée (oui il y a débat avec le ti punch pour la première gorgée). En somme il nous reste l’équivalent de notre plus grande régate de l’année dernière, la Trinité Cowes. Le parallèle pourrait faire peur, mais nous sommes dans le match !

Prenez soin de vous, le dernier message sera à l’arrivée !
Éric & Alex pour l’Arche la Belle Porte.

Mood musical du jour : Piano Man de Billy Joel

JEAN-FRANCOIS HAMON – Festa pour Aster

Bonjour à tous, quelques nouvelles de FESTA POUR ASTER a 100 milles de la ligne.

Qu’elle me paraît loin cette ligne, j’ai l’impression qu’elle recule au fur et à mesure que j’avance le vent est compliqué.
Il faut être sans arrêt aux réglages, sans parler de s’occuper des sargasses  il y en a vraiment vraiment beaucoup.
Je me bats pour essayer de sauver ma deuxième place, en temps compensé, mais ce n’est pas gagné SOLENN me grapille à chaque classement. Il  va mieux que moi dans ce type de temps mais je m’applique à limiter la casse.
Encore une nuit en mer, je l’espère si Eole nous ne fait pas faux bond.
Enfin, je me réconforte en me disant que demain midi ça sera certainement une bière et un steak frites celui-là il ne sera pas volé !
Côtés navigation, j’ai chopé à AIS le duo LEEUWIN il est à mon vent à 2 milles. Nous avons pu discuté. C’est sympa.
Côté météo, le soleil tape vraiment dur. On cuit à la barre. J’alterne une partie, je barre une partie le pilote, je l’appelle Nénesse il barre comme un dieu. On fait un bon duo !
Je vous souhaite une très bonne journée. À très bientôt. JF

PHILIPPE TRIEM – Pour un sourire d’enfant

Étrange phénomène météo, on se croirait avec Jack Sparrow sur un bateau fantôme….

Au milieu de l’Atlantique une bulle de molle non identifiée dans les fichiers grib est tombé sur PSE. L’anémo indiquait de 10 à 12 noeuds de vent mais en bas, au niveau des voiles, rien . Enfin 4 à 6 noeuds, le bateau se traîne à ; 3 -4 noeuds, je ne sais combien de temps ça va durer, cela fera 1 heure bientôt.

5 Mai 5heures du mat’ j’ai des frissons… journée noire pour PSE

La quille est entourée d’un énorme manchon de sargasses qui a concouru à la la mauvaise performance de cette nuit.

Il va falloir l’enlever.

Alors que je réglais la hauteur du tangon avec la balancine, ce dernier s’est décloché et a provoqué un colossal départ au lof avec une cocotte autour de la trinquette, de l’étai, de la drisse de génois, de la balancine… le spi a fini dans l’eau, est passé sous le bateau se prenant dans la quille et les safrans. J’ai passé, je ne sais plus , environ 1 h30 à le récupérer sans casse. une autre péripétie de ce genre avec l’envoi d’une flambante neuve chaussette à spi que je m’étais mis en tête d’utiliser pour éviter les affalages à répétitions et se débarrasser des sargasses.

J’ai jeté mes dernières forces dans la bataille pour récupérer la situation et le spi, là aussi 1h30 en travers de la route. Je ne me suis pas arrêté tant que je ne fus pas en ordre de marche, j’ai fait les comptes après, beaucoup de temps perdu mais rien ne l’est . PSE est de nouveau complètement opérationnel  et prêt à livrer le sprint final… qui a déjà commencé.

REGIS VIAN – Ecole Jules Verne

Aujourd’hui était normalement mon dernier jour complet en mer. Si tout ne se passe pas trop mal, je devrai toucher terre demain en fin de matinée, heure locale (fin d’après-midi heure métropolitaine). Ce soir, dernier dîner, dernier coucher de soleil, dernier aperçu de la mer sans terre. Tout ce qui peu à peu était devenu mon quotidien pendant trois semaine va s’arrêter demain. Je ne vais pas mentir, ni « faire comme si… »: je suis très content de ma course, jusqu’à maintenant, car elle n’est pas finie. Alors que faire, quand il n’est pas encore possible de nommer la fin, mais qu’au fond de moi j’espère de plus en plus? Rien. Etre là tout simplement et profiter encore un peu de ces moments qui m’appartiennent encore, avec une petite satisfaction du travail pas trop mal fait. Alors aujourd’hui, j’ai regardé la mer comme jamais! Je me suis repus de ces images que ne seront bientôt qu’un souvenir. Je l’ai regardée sachant bien à quelle point elle me manquera très vite. Il y a toujours une part de mystère sur ce qu’évoque la contemplation de la mer. Pourquoi est-ce si appaisant?
Bon, on n’en reste pas moins coureur en course, et j’avoue que j’ai aussi beaucoup regardé la mer aujoud’hui pour placer au mieux l’étrave du bateau dans ses vagues. C’est beaucoup moins romantique, mais 40 milles devant moi, il y a FESTA (JF Hamon), et jusqu’au bout, je me dis que chaque dizième de noeud gagné est bien mieux ici qu’ailleurs…
Alors si demain il a des larmes d’émotion sur le ponton, elles auront le goût du sel, le goût de la mer. Un hasard?

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